Hermione est née le vendredi 7 septembre 2018. Elle est notre premier enfant. Son frère, Armel, est né le mardi 23 décembre 2020.

Aujourd’hui, Xavier et moi sommes heureux avec nos deux enfants, mais avant d’en arriver à être heureux tous les quatre, nos cinq dernières années ensemble ont été semées de doute, de tristesse, de colère, et d’incertitude.

Partie 1

Avant les deux ans d’Hermione, nous remarquions petit à petit un retard de développement : elle marche avec appui, ne prononce que quelques sons, son petit bout de langue sort de sa bouche… Sans arrêt, nous scrutions ses progrès. Cela peut sembler normal pour un premier enfant, mais nous nous rendions bien compte que ce n’était pas ordinaire. Ce qui a interpellé Xavier, c’est son sourire et sa joie en quasi toute circonstance et en excès.

Il a alors fait des recherches et a écrit sur Google : « enfant qui rit tout le temps. »

Et un des résultats proposés a été : « […] Syndrome d’Angelman »

Hermione cochait toutes les cases.

Elle a alors deux ans et moi, sa maman, je ne voyais pas la « déficience intellectuelle sévère » associée à ce syndrome.

S’en sont suivis les premiers bilans : psychomotricité, orthophonie, orthopédiste pédiatrique spécialisé dans les maladies neuromusculaires, et les premiers accompagnements : kinésithérapie, orthophonie, psychomotricité.

En janvier 2021, nous avons enfin obtenu grâce au médecin orthopédiste, un rendez-vous avec un neuropédiatre à l’hôpital (AP-HP). Le jour de ce rendez-vous, Armel était né depuis deux semaines, et nous allions enfin être pris en charge par le corps médical.

A ses trois ans, c’est sans aucune surprise que nous avons su ou plutôt eu la confirmation que notre petite fille était porteuse du syndrome d’Angelman.

Cela a été très dur, c’est sûr, mais pas un choc, car nous « savions ».

Tout a enfin pris du sens : nos doutes, nos incertitudes… Tout était fondé et justifié. Et nous allions pouvoir être soutenus dans notre désarroi.

À partir de ce moment-là, et en parallèle de nos émotions de colère et de tristesse, Xavier et moi étions sur la même longueur d’onde – et cela n’a pas changé. Nous voulons offrir à notre fille une belle vie, nous voulons qu’elle soit heureuse. Cela peut paraître stupide : chaque parent souhaite le bonheur de son enfant, mais la saveur du bonheur prend un tout autre sens en ce qui nous concerne. Elle s’associe à la vulnérabilité de notre fille, et à sa protection. Le curseur se positionnera alors toujours à son niveau et pas au nôtre. Pour autant, cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas d’exigence, pas d’attente. Et cela ne veut pas dire que nous sommes résignés. Bien au contraire.

Rien n’est impossible, tant qu’on n’a pas essayé !

Partie 2

« Hermione », c’est le nom d’un bateau ou plutôt, d’un navire de guerre français. Celui du Marquis de Lafayette. Il est envoyé par le roi Louis XVI pour une mission secrète. Il part à bord de l’Hermione en 1780 pour soutenir les insurgés américains dans la lutte pour l’indépendance.

Nous ne sommes pas vraiment des marins, mais la mer tient une importance particulière dans notre histoire. C’est auprès d’elle que nous nous sentons bien. Notre enfance, notre éducation et nos origines y font toujours référence. Xavier a grandi à Brest, son grand-père était officier dans la marine, son père était océanographe. Quant à moi, avec des parents tous deux originaires de La Rochelle et Rochefort (port d’attache de l’Hermione), j’aime depuis petite fille, aller à la pêche à pied, nager dans la mer, « surfer » les vagues, observer l’horizon.

Ce bateau était surnommé la Frégate de la liberté. Notre fille est notre frégate. Elle nous a libéré.

Hermione est notre premier enfant mais c’est aussi une sœur. Une grande sœur à qui Armel apprend et montre souvent l’exemple, parfois même le mauvais.

Armel est venu ponctuer notre famille de ce joli point d’exclamation. Comme pour signifier que la vie n’est pas que « handicap » grâce à sa vivacité, son humour et sa sensibilité.

Là où d’autres enfants découvriront au fil de leur vie le handicap, pour lui, cela fera partie de sa vie et de sa normalité.

Armel nous sauve un peu tous les jours et nous relie au monde. C’est un bonheur.

Que serait Hermione sans Armel ?

Que serait un bateau sans la mer ?

La vie n’est pas toujours rose, mais nous nous fixions l’objectif de rendre Hermione la plus autonome, de lui permettre d’être stimulée au quotidien et de trouver autour d’elle, des personnes bienveillantes qui sauront la rendre épanouie et heureuse.

Hermione est un vrai rayon de joie. Il est vrai qu’elle a quasiment toujours le sourire. Ce sourire typique d’un « enfant Angelman ». Mais c’est aussi une petite fille curieuse, affectueuse, espiègle, qui aime danser et escalader. Elle touche à tout, est une fan de gommettes et de coloriage. Elle peut rester très longtemps à « faire » de la balançoire, à nager dans l’eau ou à marcher sur une plage le long de la mer. Elle est gourmande, tendre et brusque à la fois. Elle a beaucoup d’humour et sait faire des farces. Elle aime la gentillesse, l’attention qu’on lui porte, être avec les autres enfants.

Hermione ne s’arrête pas aux regards des autres et à certaines moqueries. En revanche, elle peut être obstinée pour garder une trottinette ou un ballon au parc.

Elle ne pleure que pour une bonne raison : quand elle est vexée, car elle s’est fait gronder ou quand elle s’est vraiment fait mal.

Hermione est très appréciée des autres enfants qui la connaissent et la comprennent. Invitée régulièrement aux anniversaires, elle peut trouver sa place dès lors qu’on en lui laisse une.

Partie 3

Pour l’année scolaire 2021-2022, nous avons choisi de la maintenir une année supplémentaire en crèche. Cela a été bénéfique pour toute la famille. Nous étions tellement en confiance avec l’équipe. Hermione y était heureuse, et nous sereins. Les aurevoirs ont été emprunts d’une émotion si forte pour chacun. Nous avons vraiment pu ressentir toute l’affection qui lui été portée.

Du jamais vu au sein de cette crèche : L’équipe avait fait une cagnotte pour le syndrome d’Angelman.

À l’aube de ses quatre ans, elle a fait sa rentrée à l’école maternelle en petite section. Quatre matinées par semaine, puis deux après-midis en plus, puis un déjeuner en plus, puis deux. Tout ceci, de manière progressive sur l’année scolaire. Cette année-là, nous sommes tous les trois sortis de notre zone de confort :

  • Les démarches administratives fastidieuses,
  • La mise entre parenthèses de mon travail afin de m’occuper d’Hermione tous les temps où elle n’allait pas à l’école,
  • Trouver une aide humaine de confiance pour me soulager un peu et s’occuper d’Hermione,
  • Débuter une lourde formation, pour Xavier,
  • Faire en sorte qu’Hermione s’épanouisse dans ce nouveau milieu.

Nous étions prêts à vivre une année difficile, mais nous comptions sur les rencontres humaines. C’est pourquoi nous avons été très déstabilisés, tristes, préoccupés. Nous avons vécu des réunions d’école qu’aucun parent ne devrait vivre. Et malgré le respect que j’ai pour les professionnels, les maladresses verbales ont été bien trop nombreuses. Mais nous nous sommes accrochés. Nous nous sommes soutenus tous les deux et nous avons essayé de ne pas nous apitoyer.

L’année s’est écoulée et nous avons traversé les obstacles et trouvé au fur et à mesure des solutions :

  • Une nounou de temps en temps,
  • Une salle de sport pour moi,
  • Des grands-parents soutenants et accueillants,
  • Un médecin à l’écoute,
  • La patience dans l’étude de notre dossier MDPH,
  • Une organisation assez carrée pour permettre à Xavier de faire sa formation, tout en respectant le rythme des enfants,
  • Les rencontres d’autres parents d’enfants porteurs du syndrome d’Angelman.

Tout paye.

Doucement.

Sûrement.

Partie 4

Hermione a passé un bel été. Sereine, elle dort « bien » et profite de ses vacances.

A temps plein en moyenne section depuis septembre 2023, elle a changé de maîtresse et d’AESH. Ces personnes sont si souriantes, douces, encourageantes, respectueuses de la dignité de notre fille, qu’Hermione y va avec plaisir ! Elle est moins anxieuse.

Armel a fait sa rentrée à l’école maternelle. Il est le plus jeune de sa classe. Il profite de tout ce qu’il peut apprendre. Il fait son bonhomme de chemin, sensible, joyeux, affectueux, drôle. C’est un petit garçon très vif qui retient tout et parle beaucoup.

« Maman, Hermione, elle peut pas parler »

« Maman, Hermione, elle est différente ».

Il est conscient des différences d’Hermione et en même temps c’est sa vie, sa sœur. Ils passent beaucoup de temps ensemble, sont parfois « câlin » et souvent « chien et chat ».

La prochaine étape ?

Trouver un meilleur confort de vie pour tous les quatre : ville, travail, logement, IME, etc …

Ce fichu handicap nous a volé des rêves et nous prive d’une vie ordinaire épanouie : ne pas pouvoir avoir une conversation avec notre fille, elle ne passera pas son permis, elle n’aura pas d’enfant, elle ne sera peut-être jamais propre… Notre sommeil est perturbé, c’est sûr, mais trouver le joli sourire de ma fille à 2 heures du matin me permet de surmonter la fatigue.

Mais la recherche avance et je me mets alors à rêver de nouveau. Rêver d’un avenir meilleur pour ma fille et pour tous les enfants atteints du syndrome d’Angelman.

Ce qui se passe à travers le monde, grâce à FAST et toutes les associations défendant les intérêts de nos enfants et de leur famille est tout simplement incroyable. Cela me permet d’espérer et de rêver en plus grand.

J’ai appris la patience, la rigueur, le lâcher prise, le choix de mes combats, la simplicité dans mes relations, l’importance d’être là où je suis maintenant.

Attentive au présent, je ne pense pas à l’avenir lointain, ça fait encore trop mal. Mais j’ai décidé de sourire à l’avenir en vivant pleinement le présent et en préparant tranquillement le futur.

Merci Hermione de m’avoir faite !

Merci Armel de m’émerveiller !

Merci Xavier d’être toujours à mes côtés !

Tous les trois vous m’avez rendue meilleure.

Marie Astrid